- Le délit de mise en danger à autrui : habillage décliteuel à une infraction "purement" contraventionnelle
L'article 62-2 du Code de procédure Pénale prévoir la garde à vue ne peut être décidée à l'encontre d'une d'une personne que lorsqu'ils existent " une ou pour plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement(...)"
Le postulat est que seuls les délits et les crimes sont concernés par la mesure de la garde à vue à l'exclusion des contraventions.
Il n'est donc pas possible , juridiquement, de placer des personnes en garde à vue en raison de la violation des régles de confinement qui étaient sanctionnées par une "simple" amende de 135 Euros.
Pour autant, les policiers ont continué à placer des personnes en garde à vue en utilisant un subterfuge juridique, avec un rattachement pour le moins bancal, de la mesure privative de liberté au délit de mise en danger d'autrui.
A l'évidence, cette infraction délictuelle ne pouvait pas trouver application en l'espèce et nul n'est besoin d'être un juriste confirmé pour déduire aisément que l'élément intentionnel du délit faisait clairement défaut.
En conséquence, les gardes à vue prononcées sur le fondement de ce subterfuge doivent être annulées car les policiers n'ont fait qu'habiller la simple contravention par un habit trop grand du délit.
- Un autre motif de l'irrégularité de la garde à vue pendant le confinement en raison du COVID-19
Aux fins de permettre la sauvegarde des droits de la personne gardée à vue pendant le confinement, l'article 13 de l'Ordonnance du 25 mars 2020 impose aux services de police chargés de la garde à vue de permettre à l'avocat de s'entretenir avec son client par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication éléctronique.
Le but étant, cela va de soi, de préserver la santé du gardé à vue et de son Avocat.
Or, et curieusement, comme à l'accoutumé, lorsqu'il s'agit de sauvegarder les droits des personnes placées en garde à vue, cette mesure n'a jamais été mise en oeuvre.
Les services de police demandaient à l'Avocat de se déplacer dans les locaux des commissariats de toute la France et de Navarre pour l'entretien avec son client au mépris de toutes les règles sanitaires mises en oeuvre pour lutter contre le COVID-19.
Un Avocat doté d'un esprit mal-placé, ce que je ne suis pas, déduirait aisément que l'on pourrait faire reproche aux policiers d'avoir commis le délit de mise en danger d'autrui, celui là même qui a utilisé par ces mêmes policiers comme prétexte juridique pour placer des personnes en garde à vue alors qu'une Amende de 135 Euros suffisait amplement à titre de sanction.
Les policiers chargés de la garde à vue indiquaient sytématiquement aux Avocats qu'ils n'étaient pas en mesure d'appliquer l'article 13 de l'Ordonnance du 25 Mars 2020, qui leur imposait pourtant une obligation de mettre en place un entretien Avocat-Client par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication électronique.
Autrement dit, et plus basiquement, la police française n'était en mesure de mettre à la disposition d'une personne gardée à vue, un pauvre et malheureux téléphone dans un petit bureau ou même un local quelconque au sein du Commissariat pour permettre un entretien avec son Avocat comme l'exigent le Code de Procédure Pénale (Art.62-2 al 1 et 62-3 al 3) et l'article 13 de l'Ordonnance du 25 Mars 2020.
Il faut observer que, parallélement, les moyens de télécommunications entre les services du Procureur de la République et les services de police ont fonctionné parfaitement, notamment les le truchement de la visio-conférence pour permettre les prolongations des durées des gardes à vue.
Dans ces conditions, il conviendrait de saisir le Procureur de la République par des observations écrites en lui indiquant qu'en sa qualité d'autorité judiciaire en charge du contrôle de la mesure de garde à vue (C.proc.pén., art.62-2 al 1 et 62-3 al 3), que l'Officier de police judiciaire avait refusé de procéder à l'entretien confidentiel prévu par les dispositions de l'article 63-4 du Code de procédure pénale avec le gardé à vue par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication électronique comme cela est permis en application de l'article 13 de l'Ordonnance n°2020-303 du 25 Mars 2020.
A cet égard, il convient de rappler également que les obligations particulières de prudence et de sécurité sanitaire ont été adoptées et que les déplacements professionnels ne sont autorisés que s'ils ne peuvent pas être organisés à distance. L'Avocat ne faisait pas partie des professionnels ayant accès aux vêtements, aux masques de protection lors de l'exercice de son activité professionnelle, il ne peut lui être refusé d'assister son client, gardée à vue via les moyens de télécommunication au risque de l'exposer lui et son entourage à un risque immédiat de mort.
Le client gardé à vue a donc été privé de son droit à l'assistance de son Avocat durant l'entretien de trente minutes (C.proc.pén., art.63-4 et 63-4-2; CEDH, art. 6 §3 c)).
Enfin, il doit être rappelé également que même si la personne gardée à vue pouvait contester les preuves à charge lors de son Procés, l'impossibilité pour elle de se faire assister par un Avocat en garde à vue, en le privant de l'entretien préalabe confidentiel avant les auditions nuit irrémédiablement à ses droits de la défense CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie; CEDH, 24 sept 2009, Pischalnikov c/ Russie ; CEDH, 13 oct 2009, Dayanan c/ Turquie ; CEDH, 8 déc 2009, Yesilkaya c/ Turquie ; CEDH, 14 oct 2010, Brusco c/ France ; CEDH, 11 juillet 2019, Olivier c/ France et Bloise c/ France ; Cons. Constit, 30 juillet 2010, n°2010-14/22 QPC)